ACCÈS LECTURE

ÉPISODE 1/14

Souvenez-vous, pendant la pandémie, j’avais partagé, en lecture libre, les épisodes de la saison 1 de cette série littéraire que j’ai écrite en 2016 . À l’occasion de la sortie de la saison 2, je vous propose de la redécouvrir ou de la découvrir pour les nouveaux abonnés. La lecture gratuite restera accessible jusqu’à l’arrivée de la suite.


Pitch :

Quand Carl commet l’unique écart de sa vie, il n’imagine pas un seul instant que sa liaison avec Anna va faire exploser son quotidien et aboutir à un meurtre.

Carl et Éléonore, couple sans enfant, mènent une vie tranquille, à Paris, lui, adjoint de direction dans une banque, elle, médecin à l’hôpital. Dix ans se sont écoulés depuis leur rencontre, tout semble se passer à merveille. Pourtant, Carl commet l’irréparable. Il s’éprend d’une jeune femme lors d’un séminaire et tombe dans les travers de l’infidélité: mensonges, anxiété et paranoïa. Se comportant de façon bipolaire, il tente de gérer comme il peut les ennuis qui découlent d’une relation extra-conjugale. C’est sans compter les mystères entourant le passé de sa maitresse. Proches et amis seront touchés, personne ne sera épargné. Entre trahison, mensonges et vérités, l’angoisse creusera son trou. De lourds secrets seront révélés, détruisant couples et amitiés. Sept destins, liés les uns aux autres, ayant tous un mobile pour tuer. 


1 – Le temps des doutes

Anna, encore nue sur le lit, scrutait la déco peu ordinaire de la pièce. Carl, désireux de la surprendre, lui avait offert une nuit dans un love hôtel de Paris de la rue Saint-Denis dans le premier arrondissement. Le concept des lieux, importé du Japon, consistait en une multitude de chambres à thèmes, tous aussi originaux les unes que les autres. Il avait choisi l’univers du polar, une atmosphère qui déstabilisait Anna. Son regard se perdait sur les murs, cherchant un petit coin de peinture ou de papier. Les nombreux miroirs, placés autour du lit, ainsi qu’au plafond, lui renvoyaient la silhouette d’une pin-up dessinée au trait, des néons à l’inscription lumineuse «Motel», des affiches de vieux films des années cinquante et divers personnages de BD de l’époque. Tout y était, sauf l’humeur matinale de Carl, qui peinait à s’habiller. Il semblait pressé, contrarié.

— Mon chéri, viens près de moi.
Il soupira.
— Anna…, je vais être en retard.
— S’il te plaît…
— Je dois me rendre au bureau et je déjeune avec ma femme à midi.
— Raison de plus ! Je veux profiter encore de toi avant que tu ne la retrouves !
— Anna, ça suffit, je ne suis vraiment pas d’humeur !
— Charmant après la nuit que nous venons de passer… Qu’est-ce que tu as ?
— Nous devons nous voir moins souvent pendant quelque temps.
Les yeux noisette d’Anna s’assombrirent :
— Déjà lassé ? Tu vas faire comme tous ces amants ? Trouver tous les prétextes du monde pour me jeter en douceur et ne pas te sentir coupable de t’être un peu amusé ? lança-t-elle.
— Tu veux bien arrêter tes conneries ! Ma femme a des doutes. Voilà, tu es satisfaite ?
— Dois-je en conclure que notre petit week-end en amoureux au chalet tombe à l’eau ?
— Je ne sais pas encore. Et puis, il n’était pas prévu avant des semaines.
— Et tu comptes faire quoi ?
— Je vais y réfléchir. Je dois filer, dit-il d’un air désolé.
— D’accord…

Anna ne semblait pas troublée par cette nouvelle. Carl jeta un regard dans l’un des innombrables miroirs de la chambre et prit le temps d’ajuster sa cravate. Il n’était pas question d’arriver à la banque mal fagoté. Il travaillait depuis dix ans dans cet établissement et l’image qu’il renvoyait comptait énormément. À trente-six ans, sportif et bien bâti, il se sentait étriqué depuis toutes ces années dans son costume. Il préférait les tenues décontractées, mais pas négligées. Il aimait mêler savamment son charisme et sa désinvolture en glissant son corps puissant dans des vêtements plus confortables. Son flegme disparaissait dès l’instant où il quittait la banque. Hors de son cadre professionnel, il trainait une fâcheuse tendance à l’impulsivité et à l’impatience, dont il était conscient, sans parvenir à s’en défaire. Et ce matin, un bouillon neurologique commençait à déborder. Il n’y voyait pas grand-chose. La lumière du jour tentait de percer les épais rideaux. L’ambiance feutrée, qui lui plaisait la veille, l’agaçait fortement à cet instant. Tout en ajustant son nœud de cravate, il se pencha vers Anna pour l’embrasser.

— Je t’appelle, je t’aime.
— Je t’aime… répondit-elle en s’étalant sur les draps.

Il s’éclipsa, la laissant continuer à sonder cet endroit surprenant. Le soir précédent, à leur arrivée, éméchée par le champagne et l’envie furieuse de passer cette nuit avec son amant, Anna n’avait pas prêté attention aux fioritures. Elle finit par se lever et se diriger vers la douche se trouvant près du lit. La pièce avait la particularité d’être en open space. Elle pénétra dans la cabine et ouvrit le robinet. Elle laissa couler l’eau afin qu’elle se réchauffe. Comme elle rayonnait du haut de ses vingt-huit ans ! Son air naïf, presque enfantin, la rendait attirante. Ses yeux enjoués et enjôleurs étaient un piège imperceptible. On devinait le soupçon d’envies capricieuses, non contrôlées, auxquelles aucun homme ne saurait résister. Son petit nez retroussé invitait au pardon. Elle attacha ses longs cheveux châtain clair avant de se glisser sous cette pluie d’une chaleur réconfortante.

 

Carl entra dans son bureau. Son collègue et meilleur ami, Jimmy, se précipita, en quête de détails croustillants.

— Alors ? Raconte !
— Tu ne vas pas me faire le coup chaque fois que je vois Anna ! répondit-il agacé.
— Allez, partage avec ton vieux pote.
— S’il te plaît ! Ce n’est pas une fille que j’ai ramenée d’une soirée, juste pour passer la nuit. Et puisque tu veux tout savoir, je crois qu’Éléonore se doute de quelque chose.
— Merde… ça sent les ennuis…
— Oui, comme tu dis !
— Tu penses qu’elle te teste ? Tu es peut-être trop distant ? Différent ? C’est ça, ton comportement est sûrement différent ! affirma Jimmy.
— Aucune idée ! J’essaie de rester fidèle à moi-même, mais tout ça me perturbe. Je déjeune avec elle à midi et je ne suis pas convaincu de trouver l’appétit d’ici là !
— Cette histoire devient trop envahissante. Soulage ta conscience, déballe tout !
— Tu ne penses pas ce que tu dis ? Tu nous connais depuis si longtemps… Tu veux vraiment nous voir tout foutre par terre ?
— Non, évidemment. Mais, c’est peut-être un peu tard pour se poser la question ! Si elle le découvre avant que tu ne passes aux aveux, tes ennuis vont être de taille. Et puis… est-ce que tu l’aimes toujours ?
— C’est quoi cette question ? Oui, j’aime toujours ma femme !
— J’essaie de comprendre. Je te rappelle que tu entretiens une liaison depuis six mois avec une fille, dont, visiblement, tu es dingue, que tu bouffes l’argent de ton ménage pour l’emmener à l’hôtel et assouvir le moindre de ses désirs, donc, permets-moi de m’interroger !
Carl s’emporta :
— Je ne te le permets pas justement ! Tu es mon meilleur ami ! Me reprocher, sur ce ton, de dépenser mon fric, c’est un peu fort ! J’en ai assez entendu, retourne à ton bureau, et fous-moi la paix !
— Ne te fâche pas, j’aimerais seulement t’aider à prendre une décision. Tu ne peux plus continuer comme ça. Tu vas devoir choisir.
— Et qui te dit que je veux choisir ? s’étonna Carl.

Jimmy, l’air insatisfait, tourna les talons et regagna son poste, abandonnant son ami prostré dans son fauteuil. Ce dernier ne tarda pas à être extirpé de ses pensées par le téléphone. Il était temps de se remettre au travail. Toute la matinée, Carl angoissa à l’idée de se retrouver en face de sa femme.

Était-ce lui qui fabulait ? Avait-elle vraiment des doutes ? Sa demande insistante ne présageait rien de bon. Pourquoi tenait-elle tant à ce tête-à-tête, elle qui ne décrochait jamais de son univers médical ? Et qu’allait-elle bien pouvoir lui dire ? À midi pile, il sortit de la banque, la boule au ventre, pour rejoindre Éléonore…

À SUIVRE…

© Copyright 2016 Florence DAUPHIN

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