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ÉPISODE 3/14

Résumé de l’épisode précédent :

Le déjeuner que Carl vient de vivre en compagnie de sa femme n’a réussi qu’à accentuer ses angoisses. D’ordinaire indisponible, celle-ci s’est octroyé une journée shopping et un passage à l’institut de beauté de son amie Éva. L’attitude et la tenue d’Éléonore sont aux antipodes de ce qu’elle renvoie habituellement. C’est une véritable Vénus qui se présente à lui. Mais alors que le déjeuner se poursuit, Éléonore reçoit un appel d’Éva l’informant qu’une certaine Anna, amie de longue date de Stan, se joindra à leur diner du samedi soir. Commence pour Carl une série de tourments et une foule de questions, dont une qui ne le quitte plus : cette Anna est-elle sa maitresse ?


ÉPISODES PRÉCÉDENTS / 1 Le temps des doutes2 La surprise


3-L’angoisse

À son retour, Carl traversa en trombe les couloirs de la banque. Il entra dans son bureau, claqua la porte, se laissa tomber sur son fauteuil, posa les coudes sur le tas de dossiers empilés devant lui et enserra sa tête entre ses mains. L’envie de s’arracher les cheveux le gagnait. Il ne parvenait pas à mettre de l’ordre dans ses pensées, et il n’en manquait pas. Son cerveau bouillonnait de questions. Était-il possible que Stan et Anna se côtoient ? Comment se seraient-ils connus ? Et où ? Était-ce le hasard qui le menait à un éventuel face-à-face avec sa maitresse, ou était-ce programmé par quelqu’un qui savait ? Une paranoïa incontrôlable l’envahissait sournoisement. Il prenait conscience qu’avoir une relation extraconjugale n’était pas si simple. Des coups frappés à sa porte l’obligèrent à se reprendre.

— Alors mon vieux ? Ton rendez-vous de 14 h t’attend !
— Ah, Jimmy ! Entre et ferme la porte.
— Toi, t’as pas l’air tranquille…
— Je deviens fou ! Je ne sais pas si Éléonore joue, mais j’ai l’impression que je vais perdre.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Je ne me souviens pas avoir vu ma femme habillée de façon si excitante. Je me suis retrouvé comme un abruti. Elle est même allée jusqu’à s’offrir une journée shopping, un passage chez le coiffeur et à l’institut de beauté. Éléonore, s’absenter de l’hôpital, pour ça ? Sans me le dire ? Je ne sais pas ce que je dois en penser.
— C’est plutôt bon signe, non ? Tu te demandais si elle se doutait de quelque chose, à priori, ce n’est pas le cas.
— Pas sûr… Son comportement était inhabituel, elle a même bu du vin. Et ce n’est pas tout…
— Carl, tu m’inquiètes.
— Éva a téléphoné pendant le déjeuner. Elle voulait savoir si ça ne nous dérangeait pas qu’une amie de Stan se joigne à nous.
— Et alors ? Où est le problème ?
— C’est son prénom le problème ! Elle s’appelle Anna ! Apparemment, Éva ne l’a jamais vue et pourtant Stan la connait depuis longtemps.
— Ah, j’ai compris… répondit Jimmy en levant les yeux au ciel. Tu sais, des filles nommées Anna, il y en a des tas ! Tu ne t’es quand même pas imaginé que c’était ta maitresse ?
— Figure-toi que c’est la première chose à laquelle j’ai pensé. Et si samedi je me retrouvais face à Anna ?
— Allez vieux, détends-toi. Téléphone-lui et le problème est réglé. En attendant, je te conseille de recevoir ta cliente.
— T’as raison. J’appelle Anna dès que mes rendez-vous sont terminés.

Jimmy se dirigea vers la porte :

— Jimmy ! lança Carl.
— Oui ?
— Merci.
— T’inquiète ! Tout va bien se passer.

Les deux hommes se connaissaient depuis l’adolescence. C’est ensemble qu’ils avaient effectué leur service militaire. Rien ne semblait pouvoir les séparer. Jimmy était un célibataire à l’humour facile, aux multiples conquêtes, et qui n’avait toujours pas trouvé chaussure à son pied. Pourtant, il était séduisant, un peu enveloppé et bourru à ses heures, mais très attendrissant. Pour son ami, il répondait systématiquement présent. C’est embarrassé qu’il couvrait son aventure, car il appréciait beaucoup Éléonore.

*******

   Carl enchaînait les rendez-vous et les bourdes aussi. Sa concentration avoisinait le néant. Nous étions jeudi, la journée se terminait et il ne pensait qu’à une seule chose : appeler Anna. Son dernier client parti, il se dirigea deux bureaux plus loin pour rejoindre Jimmy, mais, à sa grande surprise, il avait déjà levé le camp. Il sortit de la banque et composa le numéro d’Anna depuis son portable. Pas de réponse. Il ne laissa aucun message. Il monta dans sa voiture et rentra chez lui. À son arrivée, Éléonore profitait du début de soirée. Elle avait quitté sa jolie robe pour une tenue d’intérieur au charme insolent. Carl s’avança pour l’embrasser comme à son habitude. Il marqua un temps d’arrêt. Il observa sa peau lumineuse, son corps si harmonieux. Son déshabillé en dentelle laissait apparaître la naissance de ses hanches. Elle était divine. Il s’approcha, elle l’enlaça. Malgré le désir qu’elle éveillait en lui, il ne répondit pas à ce geste. Il se dégagea doucement :

— Je suis désolé chérie, je ne me sens pas très bien.
— Que se passe-t-il ?
— La journée a été compliquée au boulot.
— Je pensais pourtant que notre déjeuner aurait égayé ton après-midi, dit-elle, déçue.
— C’était parfait et tu étais magnifique, tout comme ce soir d’ailleurs. Je suis juste fatigué, ne t’inquiète pas.
— Pardon, je ne voulais pas t’ennuyer. Fais-toi couler un bain, ça te détendra.
— Bonne idée ! J’y vais tout de suite.

Les mensonges… Ces petites phrases que Carl débitait pour couvrir son infidélité le tortureraient. Voir Éléonore si belle, si désirable, le rongeait de culpabilité. Il se dirigeait vers la salle de bains quand son portable retentit.

— Où est ce foutu portable ! fulmina-t-il.

Il cherchait désespérément son téléphone quand, soudain, l’idée que ce soit Anna qui le rappelle le fit frissonner. Il décida de le laisser sonner. Mais Éléonore s’empara de l’objet du malheur :

— Je l’ai trouvé ! Va te détendre, je vais répondre.
Carl cria :
— Non !
— Enfin Carl, qu’est-ce qu’il te prend ?
Il balbutia.
— J’aimerais me glisser dans mon bain. Et si on me demande, je vais perdre du temps à discuter et je n’ai pas envie, c’est tout !
— Je dirais que tu es occupé.
— Autant ne pas répondre ! Éléonore, donne-moi ce téléphone, bon sang !
— Très bien, très bien, le voilà ton précieux portable ! Ton attitude en dit long…

Elle tourna les talons et se dirigea vers la cuisine dans sa petite tenue légère. Carl peinait à reprendre ses esprits. Il devint livide à la lecture de sa liste de rappel. Comment avait-il pu être aussi bête pour inscrire le prénom d’Anna dans son répertoire ? Pourquoi n’avait-il pas choisi un nom et un prénom qui auraient pu correspondre à celui d’un collègue ou d’un client ? Sa femme l’avait-elle vu s’afficher à l’écran ?

À SUIVRE…

© Copyright 2016 Florence DAUPHIN

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