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ÉPISODE 5/14
Résumé de l’épisode précédent :
Alors que Carl ouvre les yeux, en ce vendredi, jour de repos, il trouve Éléonore affairée dans la cuisine à préparer un petit-déjeuner de V.I.P. Surpris par cette attention inhabituelle, il choisit de la taquiner, sans même lui dire bonjour, démarrant ainsi les hostilités. Elle le plante devant ces victuailles prétextant la nécessité de faire quelques courses. Il s’empresse d’appeler Anna dès son départ. N’obtenant pas de réponse, il abandonne le festin et file retrouver sa maitresse. Mais lorsqu’il qu’il arrive en bas de chez elle, il voit sa Éléonore en sortir. Les deux femmes se connaissent, unies par un secret.
ÉPISODES PRÉCÉDENTS / 1 Le temps des doutes – 2 La surprise – 3 L’angoisse – 4 Le choc
5-La confrontation
Anna n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche. Carl, les yeux furibonds, l’attrapa par le bras en hurlant.
— C’est quoi ce bordel ? Qu’est-ce que tu manigances ? Tu connais ma femme ? Réponds !
— Calme-toi ! Lâche-moi ! Laisse-moi t’expliquer…
— Expliquer quoi ? Qu’on doit se voir à un dîner demain soir ? Que tu fréquentes Stan Richard ?
— C’est plus compliqué que ça…
— Ah oui ? Alors, je t’écoute !
— Carl, je te jure que je ne savais pas qu’Éléonore était ta femme. Je la connais depuis un an.
— Depuis un an ? Et tu me tombes dans les bras il y a six mois ? répondit-il consterné.
— Ne joue pas ce jeu-là avec moi, c’est déjà assez difficile d’apprendre que mon amant est le mari d’une amie.
— Allons bon ! Une amie !
Carl dégagea dédaigneusement Anna, la libérant de la pression de ses mains. Il s’écroula sur le canapé, abattu. Anna vint s’asseoir à côté de lui.
— J’ai fait la connaissance de ta femme il y a un an à l’hôpital. J’étais enceinte et je ne pouvais pas garder ce bébé pour des raisons médicales. J’ai dû prendre une décision difficile, car mon état de santé était préoccupant. Stan m’a présenté Éléonore pour qu’elle s’occupe de moi.
— Enceinte ? Ne me dis pas que… Le salopard !
— Non, écoute-moi.
Le téléphone portable de Carl sonna. Il décrocha machinalement en soupirant.
— Oui, allo ?
— Monsieur Carl Muller ?
— Lui-même.
— Bonjour, urgences de l’hôpital Cochin. Votre femme vient d’être admise dans notre service à la suite d’un accident de la route. Ses collègues l’ont prise en charge. Pourriez-vous venir immédiatement ?
— J’arrive tout de suite !
Carl raccrocha en tremblant. Anna le regardait, désemparée.
— Tout va bien ?
— Éléonore est aux urgences. Accident de voiture. Je pars.
— Oh non… Je t’accompagne !
— Tu te fous de moi ? Reste ici ! On réglera notre problème plus tard. Je n’en ai pas fini avec toi.
Il claqua la porte. Anna demeura inerte sur le canapé. La situation devenait épuisante. À bout, elle décida d’appeler Stan.
— Anna, ma princesse ! Comment vas-tu ? Pas trop fatiguée ?
— Je ne vais pas très bien, il faut que je te parle, c’est très important.
— On se voit au dîner, c’est si urgent que ça ?
— Oui, j’ai quelque chose à te dire avant demain. Tu peux passer ?
— Bien sûr, mon ange, il n’y a rien que je ne ferai pour toi.
— Merci, je sais que je peux compter sur toi. À tout de suite.
Anna raccrocha, la mine mêlée de tristesse et de réconfort. Elle songeait à tout ce temps à déambuler avant de connaitre une vie décente. Elle avait quitté sa mère adoptive très jeune pour suivre sa voie. Les conflits qui les opposaient devenaient trop difficiles à supporter. Une rencontre amoureuse providentielle l’aida à partir de la maison, à vingt ans, avec son prince charmant, comme elle le croyait. Le charme avait mué en emprise, et la vie d’Anna, en enfer. Quand elle trouva la force de quitter son bourreau, elle retourna chez sa mère avant d’obtenir un diplôme d’aide-soignante et de prendre un appartement. Elle exerça quelques années. Malheureusement, depuis, sa santé la privait de son travail.
*******
Carl traversa le hall de l’hôpital pour rejoindre l’accueil.
— Bonjour. Ma femme, Éléonore Muller, a été admise dans votre service. J’aimerais la voir, s’il vous plait.
— Bonjour, monsieur Muller, son confrère arrivera dans un petit instant, je vais vous demander d’attendre.
— Dites-moi au moins si c’est grave ?
— Je suis désolée, je n’en sais pas plus, monsieur.
Il patienta assis sur un siège inconfortable dans le brouhaha et les va-et-vient des couloirs. Tête baissée, les coudes sur les genoux, il essayait de reprendre ses esprits. Ses jambes s’agitaient. Tout se mélangeait dans sa tête. Ces dernières 48 heures étaient un condensé de stress et de situations inexplicables, voire inextricables. Sa femme gisait sur un lit d’hôpital. Il allait devoir affronter son regard sans certitude sur ce qu’elle savait. C’est à ce moment qu’il réalisa. «Affronter son regard… Et si elle était dans le coma ? Si son accident était grave ?». Il comprit qu’il préférait assumer, plutôt que d’envisager un seul instant qu’elle ne soit pas éveillée.
— Carl ?
— Ah ! Éric, s’il te plait, dis-moi qu’elle va bien ?
— Rassure-toi, nous prenons soin d’elle. Rien de méchant, mais le choc a été violent. Elle a brûlé un feu rouge à grande vitesse. La collision était inévitable.
— Ça ne lui ressemble pas. Je suis sûr que c’est ma faute ! Elle sait…
Carl passa sa main sur son visage en serrant les dents.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Va te rafraîchir, je t’emmènerai ensuite auprès d’Éléonore.
— Non, ça va aller, je veux la voir maintenant.
— Elle est sous antidouleurs puissants. Son airbag n’a pas fonctionné. Les contusions sont multiples, mais pas graves. Cependant, le port d’une minerve est conseillé pour quelque temps. Nous la gardons en observation jusqu’à demain. Ensuite, elle pourra sortir.
Il entra dans la chambre, fébrile. Éléonore dormait. Il regarda son visage meurtri, son cou, sa poitrine. Il approcha une chaise et se posta près du lit. Ses yeux s’embuaient. Il lui prit la main et cala sa tête sur son bras. Il huma sa peau un long moment avant de s’assoupir. Une pogne ferme le secoua.
— Carl ! Carl ? Réveille-toi !
— Éric… pardon, je somnolais. Mais quelle heure est-il ?
— L’heure de rentrer chez toi. Éléonore va dormir encore quelques heures. Reviens demain matin, je serai là. Ne t’inquiète pas, je t’appelle si besoin.
Carl n’avait pas la force de résister au confrère de sa femme qui lui demandait de partir. Il s’exécuta. Il embrassa Éléonore et sortit. Il se dirigea vers sa voiture, vidé de toute énergie. Il prit place au volant de son Audi et songea à prévenir Éva. À cette heure-ci, elle travaillait toujours à l’institut de beauté. Institut dont elle avait longtemps rêvé et qu’elle avait inauguré peu de temps avant de rencontrer Stan.
*******
Anna ouvrit la porte pour laisser entrer Stan. Il l’enlaça tendrement pour la rassurer.
— Anna, mon ange, que se passe-t-il ?
— C’est trop dur, je n’en peux plus.
—Ne t’en fais pas, bientôt tout sera plus clair et nous pourrons nous occuper de ta santé.
— Il ne s’agit pas de ça. Je ne peux pas venir au dîner demain.
— Mais pourquoi ? Tu m’as dit que tu te sentais prête. Je sais que ça risque d’être difficile, mais je dois tout dire à Éva pour nous deux. Je t’aime Anna, nous devons avancer maintenant.
*******
Carl entra dans le salon de beauté. Depuis le fond, Éva s’écria :
— Quel plaisir ! Une petite visite de courtoisie, comme c’est gentil !
Mais l’allégresse disparut quand elle découvrit son visage bouffi.
— Éva… Éléonore est à l’hôpital. Elle a eu un accident de voiture.
— Oh non ! Ce n’est pas possible ! Comment va-t-elle ? Que s’est-il passé ?
— Elle roulait trop vite, elle a brûlé le feu rouge.
— Surprenant, elle qui est si prudente.
Carl baissa la tête.
— Rassure-toi, elle va bien, mais elle souffre de contusions. Elle reste sous surveillance jusqu’à demain.
— Je vais passer voir Stan au bureau et lui demander de m’accompagner à l’hôpital, répondit Éva. Nous devons annuler cette soirée. Je vais lui dire d’avertir son amie que nous reportons.
— Inutile de rende visite à Éléonore, elle est sous médicaments. Elle dort, je n’ai pas pu lui parler. Nous irons demain, si tu veux. Je vais rentrer.
— Très bien, tu as raison. Moi, je rejoins Stan au bureau, il ne termine que dans une heure.
Elle laissa la direction du salon à sa collègue, et partit pensant trouver son bien-aimé dans son bureau de luxe.
À SUIVRE…
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