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ÉPISODE 8/14

Une fois sorti du poste de police, Carl appelle Jimmy pour se confier. Ils se rendent ensemble à l’hôpital pour rendre visite à Éléonore qui est réveillée. De son côté, Éva, ne trouvant pas Stan, part, elle aussi, pour l’hôpital. Lorsque Carl voit arriver Éva et que cette dernière lui apprend que Stan s’est absenté du bureau, il comprend qu’il est en compagnie d’Anna. À leur sortie de l’hôpital, Carl décide de surprendre Anna et Stan, malgré le conseil averti de Jimmy qui pense que c’est une très mauvaise idée. Quand Carl se présente à la porte, il force le passage pour en découdre avec Stan. Mais alors que ce dernier s’apprête à envoyer un coup de poing à Carl, Anna retient Stan dans un cri, l’appelant «Papa».


ÉPISODES PRÉCÉDENTS / 1 Le temps des doutes2 La surprise3 L’angoisse4 Le choc5 La confrontation6 L’oubli7 La révélation


8-La consternation

Carl, consterné, se dégagea et recula jusqu’à se retrouver le dos collé à la porte d’entrée. Les yeux écarquillés, remplis de panique et d’interrogation, il se laissa glisser honteusement et vissa ses fesses au sol sans pouvoir dire un mot. Les paroles d’Anna résonnaient encore dans sa tête : «Papa ! non !». Papa ? Stan, le père d’Anna ? La situation prenait une tout autre tournure. Carl, qui cherchait une explication à la présence de Stan chez sa maîtresse, allait devoir, à son tour, justifier la sienne. Lui avait-elle tout dit ? Dans le cas contraire, il devait vite trouver une excuse, et surtout, une excuse imparable. Anna se précipita pour s’assurer que Carl allait bien. Tout en l’aidant à se relever, elle lui murmura :

— J’ai une idée.

Elle demanda à Stan de s’asseoir et débita son mensonge avec aplomb.

— Papa, si je connais Carl, c’est parce que Éléonore est venue avec lui aujourd’hui afin de me le présenter. Toutes ces cachotteries étaient devenues insupportables. Mais elle n’a pas eu le temps de lui dire que tu étais mon père. Elle a dû s’absenter pendant notre conversation. Nous l’avons attendue, mais elle a eu un accident. Carl est parti pour l’hôpital et le voici de retour à l’instant.

— Un accident ? Comment va-t-elle ?
— Elle va bien, répondit Carl. Elle sortira demain matin. Le choc a altéré sa mémoire. Les souvenirs de ces derniers jours sont vagues.

Anna, qui apprenait les nouvelles en même temps que son père, ressentit un soulagement mêlé d’inquiétude. Stan prit un air renfrogné.

— Annulons la soirée et attendons qu’Éléonore se porte mieux. Je pense qu’elle a eu son lot de stress. Annoncer la vérité à Éva au dîner prévu demain n’est pas opportun.
— C’était donc pour ça ce dîner ? dit Carl
— Oui, je dois avouer à Éva que j’ai une fille.
— Pourquoi ne pas lui avoir dit quand vous vous êtes rencontrés ?
— C’est un peu compliqué… Le reste des confidences sera pour un autre jour. Je me demande pourquoi Éléonore ne m’a rien dit. J’aurais pensé qu’elle me consulterait avant de dévoiler notre secret, s’interrogea Stan.

Anna regardait en direction de Carl en se mordillant la lèvre inférieure. Elle redoutait que Stan ne gobe pas son mensonge. Il connaissait la loyauté d’Éléonore.

— Papa, c’est un concours de circonstances, c’est tout.
— Mais Carl, je ne comprends pas… Pourquoi tu t’es jeté sur moi ?

Carl eut bien du mal à répondre.

— J’ai cru que… enfin, j’ai imaginé…
— Imaginé quoi ? Que je m’envoyais une femme bien trop jeune pour moi ? Et si c’était le cas, qu’est-ce que ça pourrait bien te faire ?
— Papa ! s’écria Anna
— Excuse-moi ma chérie, mais je n’en peux plus de cette étiquette qu’il me colle depuis tout ce temps !
— Ce n’est pas ma faute si tu t’es taillé une mauvaise réputation ! s’insurgea Carl
— Tout ça, c’est du passé ! J’aime Éva, un point c’est tout, tu devras t’y faire !
— Ah oui ? Puisqu’on en est aux confidences, tu peux me briefer sur ce regard si admiratif et plein de suggestions qui s’anime quand tu contemples ma femme ?

Stan se tourna vers Anna.

— Ça non plus, vous n’avez pas eu le temps de lui expliquer ?
— Non, il sait juste qu’Éléonore et moi avons fait connaissance il y a un an à l’hôpital, pour le bébé. Je lui ai dit que c’était toi qui m’avais conseillé de la rencontrer, et il a cru que tu étais le père. Voilà pourquoi, quand il t’a vu, il a perdu son sang-froid.

— Ça serait possible de clarifier ? demanda Carl.
— Si j’ai autant d’admiration pour Éléonore, c’est parce qu’elle a su passer outre son amitié pour Éva et ne pas révéler mon secret. Elle s’est occupée d’Anna merveilleusement bien. Sa santé nous préoccupait. Quand ce problème de grossesse s’est présenté, là encore, elle a fait preuve de la plus haute discrétion et d’un grand professionnalisme. Mon affection pour ta femme est purement fraternelle. Et tu as une chance incroyable d’avoir une épouse si droite. J’espère au moins que tu en as conscience !

Anna baissa la tête. Un sentiment de culpabilité l’envahit. Puis la jalousie de Carl envers Stan démontrait qu’il était toujours amoureux d’Éléonore. Carl assimila la raison pour laquelle le travail de sa femme l’absorbait de plus en plus. Elle ne le fuyait pas, elle ne se désintéressait pas de son couple, elle avait simplement, pour une fois, une autre priorité que lui. Égoïstement, il n’avait vu que la distance, il n’avait entendu que ses silences, et compté que ses absences sans même essayer de comprendre.

— Stan… murmura Carl en se tournant vers lui comme pour se racheter.
— Quoi ?
— Je crois que tu devrais rentrer. Éva te cherche partout. Elle a quitté le salon pour passer à ton bureau et te prévenir que ma femme avait eu un accident.
— Je n’en sors jamais avant l’heure ! Merde, elle va me harceler de questions ! Qu’est-ce que je vais lui dire ?
— Tu trouveras bien quelque chose.
— Je vais réfléchir sur le chemin du retour. Je vous laisse. On se tient informés. Donne-moi des nouvelles d’Éléonore dès que tu peux.
— Oui, pas de problème, balbutia-t-il penaud.

Stan embrassa tendrement sa fille. Après un instant d’hésitation, il tendit la main à son adversaire qui accepta ce geste de trêve. Lorsque Stan fut parti, Carl regarda fixement Anna.

— On fait quoi maintenant ? Je me sens tellement idiot…
— Ne t’en fais pas, tu n’es pas le seul responsable dans tout ça. Mon père ne doit jamais apprendre ce qu’il s’est passé entre nous. On ne peut plus continuer à se voir, je suis désolée…
— Ne le sois pas, je pense que c’est la meilleure solution. Mais, bon sang, pourquoi avoir caché la vérité à Éva ? Tout le monde peut avoir un enfant d’une précédente union, elle l’aurait parfaitement compris.
— Oui, sûrement.
— Alors pourquoi tous ces secrets ?

Anna prit soudainement un air grave.

— Parce que je vais devoir révéler qui est ma mère…

À SUIVRE

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